Là où les Pharaons veillent encore 

C’est au cœur de la capitale tentaculaire que débute votre voyage. Vous franchissez une porte entrouverte, à peine visible entre deux mausolées, et le sol s’incline doucement vers l’obscurité. Là-dessous, dans les entrailles de la Cité des Morts, vous touchez à l’âme souterraine du Caire. Dans ces caves secrètes, entre les murs d’argile et les voûtes anciennes, résonne une mémoire tenace. Un ancien atelier de calligraphie abandonné, une pièce enfouie pleine d’amphores, des fragments de fresques oubliées… chaque recoin murmure des vies enfouies.
Dehors, la nécropole vibre encore, entre tombeaux habités et ruelles tranquilles. Mais ici, tout devient silence. Le guide éclaire les marches d’une lampe vacillante, et vos yeux s’habituent à l’ombre. Vous découvrez un monde en marge, tissé de secrets et de résilience, où la ville continue à battre sous terre. Une Egypte de l’intime, de la poussière et de l’éternité. Et vous repartez avec l’impression d’avoir traversé un seuil invisible – celui de ce que le Caire ne dit qu’à ceux qui l’écoutent doucement.
Vous suivez ensuite les pas d’un habitant du quartier, entre ruelles animées et arrière-cours tranquilles, là où le Caire se dévoile dans sa vérité la plus gourmande. Une échoppe minuscule, un grésillement d’huile, un regard complice… et déjà, vous tenez entre les mains un taameya croustillant ou un pain chaud farci de dukkah. Ici, la street food n’est pas tendance, elle est mémoire. Chaque bouchée vous raconte une histoire : celle d’une famille, d’un savoir-faire, d’une Égypte vivante qui se savoure à même les trottoirs.

Après un court vol, vous atteignez Louxor, l’ancienne Thèbes, cœur religieux de l’Égypte antique. Ici, chaque pierre parle, chaque colonne murmure. Vous commencez par la rive est et le grand temple de Karnak. Ce complexe immense, dédié au dieu Amon, vous impressionne par ses dimensions et son alignement céleste. Vous traversez l’allée des sphinx, entre obélisques, pylônes et colonnades. À la tombée du jour, les lumières dorées embrasent le temple de Louxor. Les hiéroglyphes se teintent de rose. Un appel à la contemplation. Ensuite, vous traversez le Nil vers la rive ouest. Vous entrez dans la Vallée des Rois. Le silence est total. Vous descendez dans les profondeurs des tombes. Sur les murs, des fresques aux couleurs encore vibrantes vous content les rituels de passage vers l’au-delà. Tombe de Ramsès VI, tombe de Toutankhamon… Vous êtes au cœur du mystère. Vous poursuivez avec le temple funéraire d’Hatchepsout, incrusté dans la falaise, chef-d’œuvre d’architecture. Puis, arrêt aux colosses de Memnon, gardiens immobiles du passé. Louxor vous donne l’impression d’évoluer dans un monde entre réalité et mythe.

Le Nil est plus qu’un fleuve : c’est l’axe vital de toute l’Égypte. Vous embarquez sur un dahabieh élégant, voilier traditionnel au charme paisible… La vie ralentit. Chaque jour, vous vous laissez porter. Le matin, brume légère sur les palmiers. L’après-midi, lumière éclatante sur les champs de canne à sucre. Le soir, les reflets du soleil couchant dans les eaux sombres. Vous observez les pêcheurs, les enfants qui courent sur les berges, les ânes qui s’abreuvent. Vous faites escale, entre autres, à Edfou, temple intact dédié à Horus, et à Kom Ombo, où le temple double rend hommage à deux divinités opposées : Sobek le crocodile et Haroëris le faucon. Vous apprenez à lire les symboles, à reconnaître les rituels, à sentir la présence des anciens. Chaque instant est suspendu.

Assouan est un autre monde. Plus doux, plus lumineux, plus africain aussi. Ici, vous sentez une transition dans la lumière, dans les sons, dans l’ambiance. Vous embarquez pour l’île de Philae, écrin de pierre dédié à la déesse Isis. Le temple, sauvé des eaux, est un bijou posé sur le Nil. Vous explorez ensuite les carrières de granit rouge, là où l’on extrayait les obélisques géants. L’un d’eux, resté inachevé, repose dans le sol, immense et mystérieux. Vous visitez le vieux marché, goûtez aux épices nubiens, discutez avec des vendeurs de dattes et de hibiscus séché. En fin de journée, une felouque vous emmène glisser sur le Nil. Pas de moteur. Juste le vent, l’eau, et les rives qui s’éloignent doucement. Le coucher du soleil sur Assouan est un spectacle d’or et d’ombre.

Le lendemain, départ avant l’aube vers le sud extrême, à la frontière du Soudan. Après plusieurs heures de route à travers le désert, les colosses surgissent enfin. Ramsès II vous accueille, les bras croisés sur la poitrine, assis sur son trône de pierre. Abou Simbel n’est pas seulement monumental. C’est un lieu de culte, de pouvoir, d’amour aussi. Dans le petit temple voisin, Nefertari, l’épouse favorite, est représentée à l’égal d’un dieu. Un honneur rare. À l’intérieur, les salles profondes vibrent encore du chant des prêtres. Vous ressortez en silence. Face au lac Nasser, dans l’immensité minérale, vous comprenez pourquoi les anciens Égyptiens ont bâti pour l’éternité.

Une escapade dans le désert nubien s’impose où vous découvrez une Égypte plus confidentielle, plus intime. Des villages aux maisons peintes, des mosquées en pisé, des jardins irrigués à la main. Le soir venu, vous vous installez dans un campement. Le feu crépite. Le thé fume. Les histoires se racontent. Au-dessus de vous, des millions d’étoiles. Aucun bruit. Aucun autre repère que l’horizon. Le désert vous recentre, vous réapprend le silence.